Construites à partir des années 60, ces locomotives électriques universelles constituent la plus imposante série jamais commandée par les CFF. Elles voient aujourd’hui les nuages qui s’amoncellent au-dessus d’elles et leurs rangs qui commencent à s’éclaircir, mais elles restent toujours très présentes dans le dispositif ferroviaire helvétique.
Après la liquidation ces dernières années des séries Re 4/4 I et Ae 6/6, nées après guerre, le service de la traction helvétique a désormais en ligne de mire la célèbre série des Re 4/4 II et le lot dérivé des Re 4/4 III, ayant porté sur 297 engins renumérotés partiellement 420, 421 et 430. La réduction des parcours tant voyageurs que marchandises et leur vieillissement conduisent à dégraisser les effectifs progressivement.
Le réseau suisse, exploité en courant monophasé 15 kV, a toujours eu le culte d’un entretien minutieux de grande qualité et tiré un parti maximal de son matériel moteur. Les vénérables Ae 4/7 du type 2D1 ont en effet roulé 60 ans durant et dépassé allégrement pour certaines le cap mythique des 10 millions de km, de quoi faire rougir nos BB 9200 et autres BB 15000, ayant couru dans un périmètre autrement plus vaste ! Les puissantes CC du type Ae 6/6, renumérotées 610, conçues pour la traction du trafic marchandises sur l’artère du Gothard, version de l’immédiat après-guerre, n’ont pas non plus démérité. Elles nous ont récemment quittés après 55 ans de bons et loyaux services. Autre série venue au monde dans la période faste des années 60, les non moins célèbres Re 4/4 II approchent pour les premières du seuil de leur 50e anniversaire. Et l’on peut dire que, dans l’ensemble, cette série, de loin la plus importante qu’aient comptée les CFF, se comporte toujours très convenablement, assurant encore, comme nous le verrons plus loin, un large éventail de trains de voyageurs de qualité.
À ce tournant de leur vie, après une carrière des plus diversifiée, elles ont été partagées, comme il est aujourd’hui de règle sur les réseaux européens, entre les activités Passagers et Cargo, avec pour cette dernière l’occasion de sortir assez loin des frontières de la Confédération. De plus, quelques exemplaires ont échoué à d’autres réseaux, comme le BLS.
30 ans au service de l’élite des trains de voyageurs
La sortie de construction de cette valeureuse série s’est étalée sur deux décennies.
Au début des années 60, deux catégories de machines se partageaient le service voyageurs des trains rapides et express :
– les Ae 4/7 datant des années 1925-1934 de 2 300 kW limitées à 100 km/h, avec service de prédilection sur les artères de montagne ;
– les petites Re 4/4 I, construites à la fin des années 40, limitées à 125 km/h mais de puissance limitée (1 900 kW), spécialisées aux trains de tonnage réduit sur lignes de plaine.
La nécessité de disposer d’un parc de locomotives polyvalentes aptes aux trafics voyageurs et marchandises se fait jour et milite en faveur d’une commande, passée en 1961, de six locomotives prototypes de type BB sorties d’usine en 1964 sous n° 11101-11106 d’une longueur hors tout de 14,80 m, avec participation des usines SLM à Winterthour pour la partie mécanique ; Brown-Boveri BBC à Baden, MFO Oerlikon, les Ateliers de Sécheron à Genève pour la partie électrique. Parmi elles, les 11103 et 11106 ont reçu un pantographe unijambiste BBC.
Au vu des bons résultats obtenus lors d’essais multiples sur un panel de lignes dont les itinéraires montagneux du Lötschberg, du Simplon et du Gothard, les CFF commandent ensuite en 1964 à l’industrie helvétique 49 machines de série en livrée vert bronze (11107-11155) dont la caisse mesure 14,90 m, avec un seul pantographe classique en losange. Avec leurs quatre moteurs suspendus développant ensemble 4 700 kW et leur masse de 80 t, disposant du système d’antipatinage, elles sont capables de rouler à 140 km/h, vitesse dont la pratique est encore limitée vu les caractéristiques des lignes du réseau. Elles sont réceptionnées en 1967-1968 et vont appartenir peu à peu aux dépôts principaux de Bâle, Zurich, Berne et Lausanne. Elles prennent en compte les trains de voyageurs intérieurs et internationaux sur les grandes relations du réseau, à savoir : Bâle – Zurich, Bâle – Berne – Interlaken, Bâle – Lucerne, Bâle – Delémont – Bienne – Lausanne, Zurich – Berne – Lausanne – Genève, Zurich – Coire, Zurich – Saint-Gall, Genève – Brigue – Domodossola, Pontarlier – Neuchâtel – Berne, avec des améliorations horaires.