On doit en 1855 à un académicien une joute littéraire motivée notamment par un vocabulaire ferroviaire empruntant à la langue anglaise un nombre de termes jugé excessif : la railway-mania qui prit naissance outre-Manche contamina les Français, non seulement les spéculateurs à la Bourse, mais aussi les ingénieurs entichés de ces premières locomotives made in England. Mais un normalien rappellera l’origine française fréquente de ces termes anglais… Alors que les quais et les gares sont des emprunts au vocabulaire français maritime ou fluvial, nombre de termes anglais, tels que rails et wagons, mettront quelque temps avant que leur sens et leur écriture soient bien fixés.
Contre les néologismes et ceux notamment d’origine anglaise, l’académicien Viennet
Fils d’un député biterrois de la Convention, Guillaume Viennet (1777-1868), artilleur de marine détenu sept mois durant en 1797 à Plymouth par les Anglais, retourna à Béziers, avant d’être à nouveau fait prisonnier à Leipzig en 1813. Député de Béziers de 1827 à 1837, puis nommé pair de France, sa carrière littéraire parallèle allait le conduire en 1830 à l’Académie française où il fut reconnu, selon Larousse, comme « l’un des chefs les plus indécrottables de la résistance absolue aux tentatives du romantisme ». Du moins, sait-il prodiguer sa verve satirique au service du conservatisme qu’il défend.
« C’en est fait, dit Despréaux, le mauvais goût l’emporte. La langue de ton siècle est une langue morte »…
C’est ainsi que débute sa longue Épître à Despréaux plus connu sous le nom de Boileau. Lue sous la coupole dans sa séance publique du 14 août 1855, c’est une critique des néologismes qui fleurissent alors partout : « Il faut des noms nouveaux pour ces nouveaux artistes », qui s’appellent eux-mêmes bohèmes, fantaisistes et s’interpellent supercoquentieux, chicandard, titanesque…
« Le Néologisme, en conquérant vandale, Poursuit impunément sa course triomphale. Ainsi les mots nouveaux nous pleuvent par milliers. »
Et d’opposer la perfection de la langue d’un Descartes, d’un Pascal ou d’un Bossuet à ce « flot de substantifs, d’adjectifs et d’adverbes » : extériorité, téléiologie, passivité, ou bills, votations, budget… entendus dans la bouche de nos députés au Palais-Bourbon. Dans une longue tirade de vers, Viennet s’en prend au jargon ferroviaire d’origine britannique :
« Quel reproche adresser à l’un de nos shérifs, Qui, d’un chemin de fer révisant les tarifs, Oubliant que sous l’eau tout moisit et se rouille, Affranchit le transport des risques de la mouille ? »