Rare exemple de transport ferroviaire de masse aux États-Unis, la relation Boston – Washington via New York est parvenue à devenir attractive grâce à un travail de plusieurs décennies portant à la fois sur l’amélioration des infrastructures et la modernisation des matériels qui ont permis de raccourcir les temps de parcours et d’augmenter les fréquences. Parmi les artisans de ce succès, des engins moteurs d’origine européenne acquis par les exploitants dont une nouvelle génération règne actuellement sur la ligne.
Si les Américains sont les maîtres incontestés du fret ferroviaire (pour lequel leurs techniques solides et fiables font merveille), il n’en est pas de même en ce qui concerne le transport des voyageurs et, plus particulièrement, en traction électrique. Pourtant, ce sont eux qui ont connu l’âge d’or qui a fait la gloire des grandes compagnies comme l’Union Pacific, le Chicago & North Western, le Pennsylvania Railroad, l’Atchison, Topeka & Santa Fe ou encore le New York, New Haven and Hartford Railroad. Mais ça, c’était avant… l’arrivée de l’automobile, contre laquelle les entreprises ferroviaires du monde entier ont toujours du mal à lutter. Avec, toutefois, de gros écarts selon les pays et les volontés politiques. Pourtant, c’est aux États-Unis que va renaître un certain trafic voyageurs… mais cette fois-ci, c’est pour lutter contre l’envahissement de l’automobile ! En effet, le train de banlieue, transport terrestre de masse par excellence, est l’arme idéale contre les bouchons routiers dans les grandes villes. C’est la région de Boston qui fait figure de précurseur en formant le MBTA (Massachusetts Bay Transit Authority) dès 1964, suivi par le New Jersey Transit, dans la banlieue de New York, quatre ans plus tard. Au milieu des années 70, le résultat dépasse les espérances et la constitution d’autorités organisatrices des transports explose au sein des grandes villes : Chicago, New Haven, San Francisco, Washington, Philadelphie, San Diego, ou encore Toronto au Canada… et le phénomène continue aujourd’hui encore. En parallèle, les LRV (Light Rail Vehicles, sorte tramways lourds), moins capacitaires mais plus fréquents, se développent là où le besoin est plus localisé.
En grandes difficultés dès sa création en 1971, l’Amtrak (pour America Tracks, les voies ferrées américaines) a été créée par regroupement (fédéral) des services voyageurs des anciens réseaux, alors moribonds. En 1977, Amtrak rachète le NEC (Corridor nord-est) à Conrail, ligne Washington – Boston électrifiée de Washington à New Haven (via New York) en 11 kV 25 Hz AC depuis 1938. Cette électrification avait été réalisée principalement sous l’impulsion des anciens réseaux concernés, notamment le Pennsylvania Railroad (PRR) et le New York, New Haven & Hartford Railroad (NH… car souvent appelé « New Haven »). Mais les difficultés d’Amtrak, l’héritier, sur la ligne électrifiée ne sont pas que financières, elles sont aussi techniques. Amtrak dispose, lors de sa création, des rames automotrices en inox Metroliner acquises par le Penn Central (1) pour exploiter à grande vitesse (2) la liaison phare du réseau, Washington – Newark. Or ces rames, construites par Budd, souffrent essentiellement de leur partie électrique (pourtant due à deux constructeurs différents) et de leurs bogies. Empêtré dans les problèmes techniques insolubles des Budd, Amtrak doit avoir recours à une exploitation mixte Metroliner/rames tractées pour exploiter le NEC. Si les célèbres GG 1, munies d’un rapport adéquat, peuvent être poussées à 168 km/h et se révèlent encore fiables (elles datent pourtant de 1934), les nouvelles CC de General Electric (les E 60), conçues pour… un trafic minier mais adaptées au service voyageurs (E 60 CH ou E 60 CP) avec une vitesse limite théorique de 192 km/h, agressent la voie ; bien trop lourdes (176 t), équipées de bogies à moteurs de traction suspendus par le nez, elles fatiguent la voie au-dessus de 160 km/h. Tout ce matériel se révèle donc bien mal adapté à la vitesse nécessaire aux trains de voyageurs, surtout pour des vitesses de l’ordre de 200 km/h !
Afin de donner à l’Amtrak une chance de réussir l’exploitation de l’une des rares lignes ferroviaires américaines ayant des caractéristiques proches de celles des lignes européennes (longueur, gares desservies, nombre de voyageurs, fréquences…), le gouvernement américain va prendre deux décisions d’une grande importance