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  • © B. Meignien

    L’imposante gare centrale de Kharkiv (en ukrainien) ou Kharkov (en russe), dans l’est de l’Ukraine, qui servit un temps de centre d’accueil pour les familles fuyant les combats du Donbass.

  • © B. Meignien

    Le petit centre-ville historique de Kiev (Ukraine).

  • © B. Meignien

    Trams et bus partagent la même voie réservée, qui passe sous le centre historique de Kiev (Ukraine).

De Paris au Caucase à travers les steppes cosaques (1re partie)

28 février 2019
- -
Par : Bruno Meignein

De la gare de l’Est, qui dans ces circonstances mérite plus que jamais son nom, au massif caucasien, la route est longue. De train de nuit en « elektrichka » et même en autorail à voie métrique, elle mène à travers l’Allemagne, la Pologne, l’Ukraine avant que d’aborder les immensités blanches et glacées de la Russie centrale. La première partie de ce grand voyage s’arrête sur les rives du Don…

Train Varsovie – Kiev – 23 février 2017

À peine 24 heures depuis mon départ de Paris et me voilà déjà dans le train pour Kiev. Hier à 19 h 06, j’ai vu s’éloigner Nathalie sur les quais de la gare de l’Est. L’ICE pour Mannheim était clairsemé. J’ai enlevé mes chaussures, puis j’ai éteint mon téléphone à touches. Immense soulagement. Je n’ai pas su quoi répondre quand on m’a demandé, au moment de faire mon sac, ce que ça pouvait bien me faire de prendre mon chargeur. Sans lui, le sac n’est pas vraiment moins lourd ; 25 g sur 25 kg, ce n’était certes pas la question. Mais je me suis senti réellement allégé, obligé que j’étais de mettre à la seule place qui convienne cette source d’anxiété et de dispersion : dans une poche fermée, éteint. Inerte. Je me suis senti redevenir entier, plus compact. Comme à chaque départ.
Pendant 2 heures, je n’ai rien fait d’autre que regarder la nuit défiler à grande vitesse en même temps que les pensées voltigeant sans ordre apparent jusqu’à se poser comme tranquillisées, dans un coin de ma tête, l’une après l’autre, après que j’ai bien voulu leur accorder l’attention qu’elles réclamaient. Il faut dire que le train allemand facilite l’introspection, avec ses murailles d’appuie-tête qui vous isolent des voisins de devant et de derrière.
À l’avant-dernier arrêt, mon voisin de derrière justement a dénoncé à la contrôleuse un voyageur avec la bougeotte qu’il suspectait d’être monté sans ticket. C’était exact, le quidam – pas très malin, il faut dire – a été prié de descendre du train quasi vide, et la contrôleuse a chaleureusement remercié le suspicieux, s’est demandé qui allait payer pour ceux qui voyagent sans payer, puis a engagé la conversation à voix basse, si mon allemand ne me trahit pas, sur ces indisciplinés de Français qui ont carrément besoin d’agents dédiés à la fermeture des portes du RER – Il est vrai qu’en heure de pointe, il y a un bonhomme par porte sur les principaux quais parisiens. Ça a continué assez longtemps, ils n’ont pourtant pas échangé leurs numéros ; dommage, ils s’entendaient bien.
Les derniers passagers se sont répandus sous les halogènes de Mannheim. Sur le quai, quelques voyageurs tiraient une latte dans l’espace fumeurs, habilement situé entre une pub pour « Vivre le moment » avec une célèbre marque de cigarettes françaises, et une autre contre l’asthme avec un beau médicament. 1 heure 30 avant le train de nuit pour Berlin : cela m’a laissé le temps de faire un tour. Ou plutôt un rectangle, dans cette ville d’angles droits qui s’est donné, non sans ironie, le slogan « Vivre au carré ». Mannheim, aux alentours de la gare tout du moins, est donc un éloge du lisse, un quadrillage de larges avenues datant de 1606, aujourd’hui ponctué de restaurants rapides, salles de jeu, casino et paris, cinémas érotiques et banques pour financer le tout, sans oublier les robots de cuisine et le supermarché bio.

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Rail Passion n°257

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