Avec un léger décalage chronologique par rapport à la réalité historique – puisque le renouveau du tramway en France mais aussi en Europe date plutôt de 1975 –, un ouvrage, recueil de contributions savantes réunies entre 2013 et 2015 par l’association Rails et Histoire, dresse un utile bilan des quatre décennies qui ont permis au tramway de revenir sur le devant de la scène du transport collectif.
À l’occasion de la sortie de l’ouvrage relatant 40 ans de tramways en France, l’association Rails et Histoire avait organisé le 11 avril dernier une originale conférence sur ce thème. Originale car, en partenariat avec la RATP, cet échange s’est déroulé à l’intérieur d’une double rame du tramway T 2 effectuant un AR entre Porte-de-Versailles et Pont-de-Bezons.
Soyons clairs dès le départ : 40 ans en avril 2018 ne correspondent à aucun anniversaire ! L’initiative de Marcel Cavaillé, secrétaire d’État aux Transports dans le gouvernement Chirac, date de février 1975. Elle s’adresse à huit villes françaises pour imaginer un moyen de transport comparable à du tramway moderne. C’est le coup d’envoi du fameux TFS (Tramway français standard). Toutes ces villes construiront des lignes de tramway entre 1987 (Grenoble) et 2010 (Toulouse) à l’exception de Toulon. Mais l’autre date importante est 1985 pour l’ouverture à Nantes de la première ligne de tramway moderne. Pour Pierre-Henri Émangard, géographe et urbaniste, l’histoire du tramway en Europe peut se définir en trois dates majeures. L’heure de gloire en 1945 avec 480 réseaux dont 170 en Allemagne (un tiers), 48 en France mais aucun en Albanie. L’urbanisation et la réindustrialisation de l’après-guerre y sont pour beaucoup. La carte de 1975 montre, elle, de nombreux vides : il n’y a plus que 180 réseaux. En 30 ans, les deux tiers ont disparu, mais de façon non uniforme. Six pays, dont le Danemark, l’Irlande ou la Grèce, ont tout perdu. En France, il n’y a plus qu’une ligne à Saint-Étienne, une ligne en Y à Lille et une ligne à Marseille. De la même façon, l’Espagne et la Grande-Bretagne ont perdu plus de 90 % de leurs réseaux. Ceux qui résistent sont le Portugal, la Norvège et l’Autriche. L’Allemagne a perdu 80 réseaux (50 %). « L’année 1975 marque une rupture, un tournant sociétal. C’est la fin des Trente Glorieuses et la fin de la suprématie de l’automobile après le choc pétrolier de 1973. Le tramway devient un symbole politique fort. C’est un choix dans l’appropriation de l’espace public et l’aménagement urbain. »
Vient ensuite une période de regain spectaculaire avec, en 2011, l’apparition de 20 réseaux en France, 14 en Espagne, huit en Italie, cinq en Angleterre et un en Irlande. L’Allemagne présente une originalité avec la poursuite du déclin jusqu’en 1990 dans la Ruhr et le nord du pays notamment. Par contre, ce pays va faire preuve d’originalité avec le tram-train, le tram bimode de Kassel et même un tram de type autorail à double écartement vers la frontière tchèque.