Pourquoi aller en République tchèque essayer la nouvelle génération de trains régionaux français quand Alstom dispose de moyens de tests en France, tels la ligne RFF entre Wissembourg et Hoffen (Caesar A), une voie d’essais de 12 km aux environs de Bar-le-Duc (Caesar B) ou encore le Centre d’essais ferroviaire de Valenciennes (CEF) ? Parce qu’aucun de ces trois sites ne permet de rouler plusieurs dizaines de minutes d’affilée à 160 km/h, alors que c’est possible à Velim, dont les installations viennent de surcroît d’être modernisées et mises en conformité avec les Spécifications techniques d’interopérabilité (STI) grande vitesse. Quant à réserver un sillon en France sur le réseau ferré national, la procédure n’a pas gagné en souplesse ces derniers temps. Reste la boucle de Wildenrath (Allemagne), qui permet effectivement d’enchaîner des tours à 160 km/h ; toutefois, sa disponibilité est fonction des besoins de Siemens… Or la fiabilité du matériel roulant est un aspect essentiel, d’autant plus que les retards sur les engins mal déverminés se payent désormais très cher – l’équivalent parfois du prix de plusieurs rames – du fait de la forte contractualisation des relations ces dernières années. Ce qui milite en faveur de l’existence de centres d’essais. Mais « pour développer une filière ferroviaire dans un pays comme la France, nous sommes handicapés par rapport à certaines grandes filières ferroviaires étrangères », estime Jean-Pierre Audoux, délégué général de la FIF (Fédération des industries ferroviaires).
En effet, si le CEF de Valenciennes est un centre d’essais performant pour les métros ou les trains de banlieue, la France n’a pas, contrairement à l’Allemagne ou à la République tchèque, de circuits d’essais pour les trains grandes lignes. En Espagne, l’ambitieux projet de voie d’essai à grande vitesse en Andalousie, même s’il semble marquer le pas, donnerait un véritable avantage aux constructeurs espagnols.
Toutefois, « même sans disposer d’un centre d’essais à grande vitesse, des circulations à 150-200 km/h permettent de faire l’essentiel des essais sur les trains à grande vitesse », estime Jean- Pierre Audoux, pour qui se posent alors trois questions : « où établir un centre d’essais en France ? », « combien cela coûtera-t-il ? » et « qui va payer ? » Car si le CEF de Valenciennes a coûté 20 millions d’euros il y a une petite quinzaine d’années, on parlait de 300 millions pour le projet abandonné de grande boucle dans le Nord-Pas-de-Calais et de 120 millions pour la boucle d’essais infrastructure de Railenium. « Aucun des acteurs – État, régions, constructeurs – ne payera tout seul, a fortiori dans la situation actuelle », pense Jean-Pierre Audoux. Toutefois, « des montages financiers sont possibles et un cofinancement est nécessaire ». Enfin, « un nouveau centre d’essais français sera forcément européen » et devra accueillir sans discrimination les trains des pays voisins qui le demanderont.
P. L.