Sur les tarifs ferroviaires en Europe, sur leur comparaison avec le prix du train en France, on entend régulièrement tout… et son contraire. Les conclusions confidentielles de l’étude que nous nous sommes procurée présentent un intérêt tout particulier. Réalisée par le cabinet Ernst & Young, à la demande du Medad, le ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire, entre janvier et novembre 2008, elle prend en compte 11 pays européens. Soit l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, la France, l’Italie, les Pays-Bas, la Pologne, la Suède, la Suisse et le Royaume-Uni. Dans ce panel, la Pologne se distingue comme représentant des anciens pays de l’Europe de l’Est, où les tarifs restent bas, alors que les autres pays ont un niveau de pouvoir d’achat comparable à la France. Cela pourra apparaître à certains comme une surprise, au lendemain de l’annonce de la hausse de 1,9 % des tarifs TGV en 2010 : il n’en demeure pas moins que la France se situe, pour les tarifs des trains à grande vitesse sur longue distance, dans le groupe des pays qui pratiquent les prix les plus bas. Devant elle, l’Italie, qui doit être au printemps prochain la première à débarquer dans l’Hexagone. En ce qui concerne les lignes classiques, la moyenne des tarifs européens est 23 % plus élevée que la moyenne française. La France décroche même la première position sur longues distances LGV, à parité de pouvoir d’achat, pour les voyageurs fréquents dotés d’une carte de réduction, juste devant l’Italie. Voici les principaux détails de cette étude.
Sur LGV, l’Italie bat la France en finale
C’est un chiffre clé dans l’étude réalisée pour le ministère des Transports, surtout dans un contexte marqué par l’ouverture du marché des transports de voyageurs à l’international et l’arrivée annoncée en France de la compagnie Trenitalia, déjà présentée comme le futur « low cost du rail » : sur de longues distances (aux alentours des 500 km, voire davantage) sur LGV, la France se situe 6 % en dessous de la moyenne européenne. Toutefois, si ces trains à grande vitesse sont en moyenne 33 % moins chers qu’en Allemagne, 16 % moins chers qu’en Espagne, ils restent 25 % plus chers que les trains sur LGV en Italie, mais ces trains n’ont aujourd’hui pas des performances comparables.
Parallèlement, au niveau tarifaire, la France est moins compétitive sur les courtes distances d’une centaine de kilomètres, où elle est plus chère que la moyenne, tout juste devant l’Allemagne.
Sur ligne classique, la France dans le bas de l’échelle des tarifs
En quatrième position derrière la Pologne, l’Italie et l’Espagne, la France a des tarifs estimés 23 % plus bas que la moyenne des 11 pays européens étudiés. Loin de la Pologne, certes, 43 % moins chère, mais encore plus loin du Royaume-Uni, 101 % plus cher. Ces différences sont à relativiser en fonction des distances parcourues. Car, tout comme sur le réseau TGV, la France est plus performante au niveau tarifaire sur les courtes distances, classifiées dans cette étude en catégorie 100 km, que sur les moyennes et longues distances, regroupées dans la catégorie 500 km. Dans la catégorie 100 km, la France est en cinquième position, derrière la Pologne, l’Italie, l’Espagne, la Belgique et juste devant les Pays-Bas et l’Allemagne. Et juste dans la moyenne tarifaire européenne. Sur les 500 km, la France est en quatrième position et les tarifs sont très nettement inférieurs à la moyenne européenne. La France apparaît ainsi, que ce soit sur LGV ou sur lignes classiques, comme étant plus compétitive sur les moyennes et longues distances, alors qu’elle a tendance à être seulement dans la moyenne pour les distances dites courtes.
La France tient la comparaison à J – 20
La SNCF mise sur l’anticipation des voyageurs et y met les moyens : ainsi, pour des réservations sur LGV à J – 20, les prix pour une distance de 500 km sans carte de réduction (68 euros en moyenne) sont très compétitifs. Proches de ceux proposés en Italie (58 euros) et bien en dessous de la moyenne européenne (80 euros). A J – 2, le classement reste identique : deuxième sur quatre, même si les tarifs sont alors juste en dessous de la moyenne européenne. En ce qui concerne les lignes classiques, si la France a également des tarifs en dessous de la moyenne des 11 pays étudiés, elle se situe dans une relativement modeste cinquième position. Elle est devancée, ce qui est fréquent, par la Pologne, l’Italie et l’Espagne, mais également, ce qui est rare, par le Royaume-Uni. L’explication avancée : un yield management particulièrement agressif et donc attractif pour ceux qui s’y prennent longtemps à l’avance pour l’achat de leurs billets. En revanche, le Royaume-Uni est le plus cher des 11 pays sur ligne classique à J – 2. Le trio de tête reste le même. Quant à la France, elle est toujours en cinquième position, devancée cette fois par l’Autriche. Globalement, si l’on considère le critère d’anticipation pour l’achat de son billet, on peut considérer que la pratique du yield management permet à la France de pratiquer des prix attractifs, en particulier sur LGV, à qualité de service supérieure. En particulier si l’on tient compte des vitesses et des temps de parcours.
En France, place aux jeunes
Outre les comparaisons qui tiennent compte de l’anticipation pour la réservation, l’étude compare également les tarifs en fonction des diverses catégories de la population. A cet égard, selon les pays, les priorités et donc les réductions proposées ne sont pas les mêmes. En France, ce sont les jeunes qui bénéficient des tarifs les plus bas des quatre pays européens concernés pour les LGV, devant l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne. Pour les trois autres catégories, la France arrive en seconde position derrière l’Italie pour les familles et les adultes, derrière l’Espagne pour les seniors. Dans les quatre catégories examinées, l’Allemagne est le pays le plus cher. Sur lignes classiques, la France apparaît comme le troisième pays moins cher, derrière l‘Espagne et l’Italie, avec des prix toujours en dessous de la moyenne. Elle se situe en seconde position pour les jeunes, derrière l’Espagne, en troisième pour les seniors, derrière l’Espagne et l’Italie, et pour les adultes, derrière l’Italie et l’Espagne, et en quatrième position pour les familles, derrière l’Italie, l’Espagne et les Pays-Bas. Globalement, la France apparaît donc comme très compétitive sur les tranches d’âge jeunes, voire seniors, et l’est moins pour les adultes et les familles.
Privilège à la carte, la France en tête
Lorsqu’on examine les cas particuliers, mais assez généralisés, des voyageurs fréquents avec une carte de réduction, la France pratique des tarifs très en dessous de la moyenne. A parité de pouvoir d’achat, pour les LGV, elle se situe d’ailleurs en première position et en seconde, derrière l’Italie, pour les lignes classiques. Si l’on ne prend pas en compte le pouvoir d’achat des pays respectifs, c’est l’Italie qui est la moins chère sur LGV, l’Espagne et l’Italie sur lignes classiques. Le Royaume Uni et la Suède sont les pays les plus chers.
Pascal GRASSART
Tarifs de la grande vitesse : six pays, six cas particuliers