Les CFF ,en collaboration avec Alstom, ont effectué des essais de téléconduite d’une Aem 940 (voir Rail Passion n° 264) évoluant sur le site de Zurich Müllingen, un ancien triage fermé en 2014 par CFF Cargo et depuis réutilisé par CFF Voyageurs. Selon les CFF, ces tests réalisés en environnement « ouvert », en l’occurrence un faisceau de voies toujours en exploitation, constituent une première au niveau européen. Ces courses ont permis de s’assurer que des opérateurs pouvaient à distance, dans le cadre d’une exploitation automatisée (ATO GoA4), faire se mouvoir un convoi (en fait, un scénario théorique, car l’Aem 940 était seule) en détresse vers une zone de remisage adaptée.
Le système utilisé est celui développé par Alstom, avec un pupitre de commande déporté qui a été mis en œuvre par 24 collaborateurs (conducteurs et agents de manœuvre) issus des divisions Infrastructure, Cargo et Voyageurs des CFF. Les écrans vidéo associés leur ont permis de tenir compte du parcours, des signaux et de possibles obstacles filmés par les caméras équipant la locomotive et retransmis (avec redondance via la connectivité 4G/5G de deux fournisseurs publics) en temps réel. Se trouvaient cependant à bord de l’Aem 940 029 (utilisée en modes électrique et thermique – commutation dynamique possible) un conducteur et un responsable d’essai afin de veiller à la sécurité opérationnelle et de parer à toute éventualité. La vitesse maximale autorisée était de 30 km/h.
En plus de la « simple » démonstration de faisabilité technique, une attention particulière a été apportée au ressenti et à l’interaction des « utilisateurs » vis-à-vis du et avec le système. Des commentaires, plutôt variés mais utiles pour les développements à venir, ont été récoltés alors que le « facteur humain » a fait l’objet d’une évaluation spécifique. L’impact dudit facteur et la manière dont les participants ont pu se projeter dans la réalité durant les tests, ont ainsi été étudiés par le DLR (Deutsches Zentrum für Luft- und Raumfahrt ou Centre allemand, pour l’aéronautique et l’aérospatiale), fort d’une longue expérience en exploitations automatisées.
Les CFF mettent clairement en avant que l’introduction de trains autonomes de voyageurs ne constitue pas pour eux une priorité. En revanche, ils considèrent que le recours à un système de télécommande peut à terme être pertinent pour des chantiers ne nécessitant que des mouvements courts et peu nombreux ou dans le cadre de garages et de dégarages de rames voyageurs. Cette option faciliterait alors les prises et les fins de service des conducteurs, tout en diminuant les risques encourus dans les faisceaux. L’opérateur précise cependant que de nombreux développements techniques sont encore requis et que des processus opérationnels ainsi que réglementaires (au niveau européen) devront être adaptés, préalablement à toute application concrète.
En fait, la démarche des CFF (menée dans le cadre du programme Horizon- Europe « Europe’s Rail Innovation Pillar ») (1) est à ce stade exploratoire. L’entreprise ferroviaire cherche à défricher le corpus normatif européen et à s’assurer de son applicabilité en Suisse, mais aussi à acquérir des compétences en matière d’interactions homme- nouvelles technologies. Ses investigations permettront de rédiger des rapports (intermédiaire et final) qui seront mis à disposition de l’Office fédéral des transports (OFT). Au niveau international, la version publique du rapport final servira à spécifier les requis suisses en matière de commande à distance, à prendre en compte lors de la définition des normes européennes.
L’agenda « ATO » des CFF porte à court terme sur des essais d’accélération et de freinage automati- sés en transport de marchandises (2025), de démarrage automatique des trains (2024/2025) et d’assistance à la perception de la signalisation et des obstacles (2024/2025).
Rappelons que les Aem 940 sont des locomotives bimodes, Électrique/Diesel-Électrique, utilisés par les CFF. Elles sont construites par Alstom, aussi vendues sous la désignation Alstom Prima H4. Les Aem 940, de nouvelles locomotives polyvalentes de manœuvres et de lignes, elles remplaceront les Am 6/6 qui arrivent en fin de vie (plus de cinquante ans), ainsi que Ee 6/6, Am 841 et Am 842 (anciennement Am 4/45), devenues obsolètes. Elles seront également utilisées sur tout le réseau CFF comme locomotives de trains de chantier (ballastage). Elles peuvent rouler à 120 km/h et par conséquent elles peuvent donc être utilisées en service de ligne. L’Aem 940 a été commandée à 47 exemplaires avec une option supplémentaire de 13 locomotives.
Notons que les gares de triages en Suisse appartiennent à CFF Infrastructure. Cette dernière sous-traite le service de la manœuvre dans les gares de triage de Limmattal, Lausanne et de Buchs à CFF Cargo. L’Aem 940 est aussi déployée dans les centres de triage pour CFF Cargo, où elle peut traiter des trains de 2000 tonnes. Elle peut être utilisée en UM (Unité Multiple). Cette locomotive est équipée du système de sécurité ETCS. Grâce à une efficience plus grande (20 à 30%) de la traction électrique qui est utilisée dans 90% des cas, le besoin énergétique est moindre. Elle possède deux générateurs Diesel qui permettent une réduction de 20% de la consommation de carburant par rapport à une locomotive diesel à un seul moteur. Sa cabine spacieuse permet à quatre personnes de l’occuper.