La circulation des trains a été interrompue gare de l’Est durant 48 heures le weekend des 15 et 16 janvier. Une mesure radicale imposée par des travaux sur un pont.
Une gare à l’arrêt ! Les rares personnes qui se sont rendues en gare de l’Est les 15 et 16 janvier ont découvert un lieu désert où seuls quelques égarés, ou mal informés, semblaient s’être donnés rendez-vous. La plupart des 600 trains quotidiens ont été reportés dans d’autres gares (quand c’était possible) ou tout simplement annulés. Pour la banlieue, les dessertes se sont arrêtées bien en amont de Paris, à l’image de la gare de Chelles devenue terminus provisoire, desservie par des bus de substitution.
Alors pourquoi cette situation exceptionnelle qui rappelle l’interruption des circulations à Paris- Lyon lors de la mise en service du nouveau poste d’aiguillage en mars 2017 ? Pas de nouvelle installation cette fois, mais plutôt des travaux sur le faisceau de voies au plus mauvais endroit, juste en sortie de gare. Le BV de Paris-Est a été reconstruit et agrandi en 1931, ce qui lui donne l’aspect qu’on lui connaît aujourd’hui. Avant même la pose de la première pierre, trois ouvrages d’art sur la voirie parisienne ont été reconstruits.
Au niveau de la rue Philippe-de- Girard, c’est un pont assez complexe qui est édifié entre 1924 et 1929, en remplacement d’un tunnel. L’ouvrage de 108 m sur 41 de large est en béton armé, un matériau qui s’impose dans les constructions de l’entre-deux-guerres. Avec le temps, certaines parties de la structure ont commencé à se dégrader, nécessitant une intervention plus profonde. Comme l’explique Philippe Quoeurnat, chef de projet chez SNCF Réseau, une dalle de béton avait été ajoutée pour isoler les structures contre les dommages provoqués par les fumées, de la vapeur d’abord, et du diesel ensuite. C’est cette couverture heureusement non essentielle qui s’effritait de plus en plus. Après des opérations de nettoyage réalisées tous les semestres, il est devenu indispensable de supprimer ce plancher inutile et dangereux.
Une opération plus facile à dire qu’à faire. Pour intervenir sur ce pont, il a fallu installer un échafaudage sur quasiment toute la largeur du faisceau de voies. Un montage qui à lui seul a demandé 8 heures de travail. La structure de tubulaires est arrivée jusqu’au niveau de la caténaire, d’où la nécessité évidemment de couper l’alimentation électrique en 25 kV. Ensuite la démolition a été réalisée par des ouvriers spécialisés dans les interventions sur les sites difficiles d’accès. Là, encordés, c’est au marteau piqueur qu’ils ont démoli la dalle sur laquelle ils étaient eux-mêmes installés, d’où la nécessité d’être retenus comme des alpinistes. 60 hommes sont intervenus durant le week-end, se relayant par équipe de 12. Il y avait 30 t de béton à démolir sans évidemment endommager voies et caténaires.
Une véritable course contre la montre s’est donc engagée le vendredi à 22 h après le passage du dernier train et s’est achevée le lundi matin à 3 h 30, heure de reprise du service ferroviaire. Aucun droit à l’erreur sur une opération programmée depuis 4 ans. Ensuite, un simple filet de protection contre les pigeons a été mis en place. Les déblais ont été évacués par un système de toboggan, puis déchargés à la main, avec des brouettes par la plateforme de la future ligne CDG Express. Philippe Quoeurnat explique qu’il n’était pas possible de recourir à un train de travaux sur ce chantier qui a fait l’objet d’une étude de risques. La présence d’un convoi à proximité de l’échafaudage était en réalité bien trop dangereuse. Aussi, la plateforme encore inutilisée de CDG Express s’est révélée déterminante. C’est d’ailleurs grâce à cette emprise sans rails que l’opération a pu se poursuivre le week-end suivant, sur la partie ouest de l’ouvrage, en ne neutralisant que trois voies. Et malgré quelques difficultés pour l’exploitation, il n’y a pas eu de gêne pour les voyageurs.
Cet article est tiré du n°293 de RAIL PASSION dont voici la couverture :