28Pour remplacer les rames Corail sur les lignes IC dites « structurantes » dont il a la charge, l’État avait besoin d’un matériel spécifique qu’il ne pouvait pas puiser dans les contrats en cours d’acquisition de Régiolis ou Regio 2N. Il a donc lancé via la SNCF un appel d’offres pour un matériel répondant à un cahier des charges bien précis qu’a finalement remporté l’espagnol CAF, qui devrait équiper les deux radiales concernées et sous réserve la transversale. Un jeu normal de la concurrence dont Alstom bénéficie par ailleurs sur d’autres marchés…
La nouvelle est tombée le 18 septembre dans un communiqué de la SNCF : le constructeur espagnol CAF est l’attributaire pressenti de la commande des nouveaux trains Intercités. En fait, la rumeur de ce choix enflait depuis la mi-août. L’affaire mérite un petit retour en arrière.
En juillet 2016, Alain Vidalies, alors secrétaire d’État aux Transports, annonce sa feuille de route pour les trains Intercités. On y apprend que de nombreuses lignes sont transférées aux régions, que les Intercités de nuit sont en sursis et que l’État garde notamment trois lignes structurantes de jour, et trois lignes d’aménagement du territoire.
Un important volet matériel roulant accompagne ce plan. L’État va financer l’acquisition de matériel neuf pour les régions, de type Régiolis ou Regio 2N version Omneo, à puiser dans des marchés existants de Bombardier et Alstom, pour aller vite. Pour les transversales conservées (Nantes – Lyon, Nantes – Bordeaux et Toulouse – Hendaye), l’État utilise aussi ces marchés en commandant des rames Coradia à Alstom. Ces rames bimodes ou automotrices sont désormais livrées et assurent 100 % des dessertes. Il y a 15 B 85000 et neuf Z 51500.
Pour les trois lignes structurantes (Paris – Limoges – Toulouse, Paris – Clermont-Ferrand et Bordeaux – Marseille), c’est plus compliqué car les fonctionnalités demandées ne sont pas dans les marchés existants des deux constructeurs. Un nouvel appel d’offres est donc nécessaire. La SNCF lance le 24 décembre 2016 un marché d’études et d’acquisition (avis d’appel public à la concurrence) qui se concrétise le 16 juin 2017 par un appel d’offres (document de consultation des entreprises). Le gouvernement évoque une enveloppe budgétaire de 800 millions d’euros pour la construction de 28 rames et d’un centre de maintenance. La livraison est attendue à partir de 2021. Une option est déjà présente pour 15 rames (400 millions d’euros) destinées à l’axe reliant Bordeaux à Marseille.
L’expression fonctionnelle de ce nouveau matériel est établie par l’État après une concertation menée au deuxième trimestre 2016 auprès des préfets des six régions concernées. Le cahier des charges est le suivant : rame automotrice bicourant, un seul niveau, équipement en KVB et ERTMS, 200 m de long, couplable en UM, apte à 200 km/h, minimum 420 voyageurs par rame, confort du niveau Grandes Lignes pour des trajets éventuellement longs (7 heures), accessible aux PMR en 1re comme en 2de classe, espace pour de la restauration ambulante, connexion Internet, vidéosurveillance, information voyageurs dynamique, possibilité de réservation (repérage sièges, voitures et marquage).
Pour rappel, ces trois lignes font aujourd’hui appel à des voitures Corail dont la traction est assurée par des BB 26000 et 7200/22200. Consciente de l’importance de ces lignes, l’activité Intercités de la SNCF avait opéré une profonde mutation au début des années 2000 avec l’opération Téoz. Au total, 430 voitures composaient 61 coupons de sept voitures : deux de 1re, quatre de 2de et une pour les services (PMR et familles). Outre une livrée extérieure innovante et inédite très colorée, les aménagements montaient en gamme : nouveaux sièges, nouveaux coloris, espaces diversifiés. Ces rames arrivent en août 2003 sur Paris – Clermont-Ferrand après une étonnante circulation sur l’avenue des Champs-Elysées durant l’exposition Train capitale, puis en 2004 sur Toulouse avant Strasbourg.
Ceci n’est pas une défaite considérable ni pour Alstom ni pour Bombardier. CAF était juste au bon moment, au bon endroit avec le bon matériel roulant [les nouvelles automotrices électriques Intercités/IC, dénommées « Confort200 »]. Le constructeur espagnol (qui est plus ancien que l’entreprise Talgo) réalise actuellement près de 80% de son chiffre d’affaires hors de son pays d’origine. On dirait qu’un soleil ferroviaire européen efficace, mais pas méchant, illumine toujours la philosophie « IC » sans âge de la SNCF en évolution constante.