Des cartes de circulation gratuite pour les sénateurs et les députés (2de partie)
À la suite d’un premier article sur la préhistoire des facilités de circulation accordées notamment aux parlementaires, on entreprend leur histoire depuis 1882. La création de la SNCF en 1938 a-t-elle modifié notamment le cours des choses ? Qui paie au fond les cartes de circulation attribuées à nos parlementaires ? Alors que le président de l’Assemblée nationale François de Rugy a annoncé en juillet 2017 une révision du statut des députés et des privilèges afférents, ce retour sur un sujet tabou permet de corriger des images erronées. Non, les parlementaires ne voyagent pas tout à fait gratis ! Non, la SNCF n’encaisse pas rien…
Si les compagnies ont bien admis en 1882 un traitement uniforme des faveurs accordées à tous les députés et sénateurs, elles ont assurément surveillé qu’il n’y ait pas d’abus ou de fraude. De cette vigilance des réseaux sur les limites de ces faveurs, témoigne la couleur changeante d’année en année des cartes…
En 1885, le journaliste Ferdinand Técheney, évoquant des débats et controverses sur les dates de validité des cartes délivrées aux députés, en début et fin de mandat. Les députés élus le 21 août 1881 sont entrés en fonction le 14 octobre suivant ; élus pour cinq ans, la Compagnie d’Orléans, prétend que leurs cartes ne seront plus valables passé le 15 octobre 1885, alors que leur renouvellement électoral se déroule les 4 et 18 octobre… Passé ces élections, de nouvelles cartes d’abonnement sont distribuées aux sénateurs et aux députés, « Établies sur papier vert clair et collées sur une enveloppe formant carnet, recouverte de peau d’un vert foncé, elles portent le millésime de l’année 1886, pendant laquelle elles seront valables. Par exception, elles ont été rendues valables, par une mention en rouge, pour le quatrième trimestre 1885. Ces cartes portent les signatures du directeur de chacune des Compagnies de l’Ouest, du Nord, de l’Est, de PLM, d’Orléans et du Midi, ainsi que celle du questeur délégué du Sénat ou de la Chambre des députés. »
Il n’est pas connu de fraude délibérée ; le célèbre « député en blouse » Thivrier, « premier maire socialiste du monde », élu à Commentry en 1882, est condamné, à l’issue d’un jugement confirmé par la cour de Riom le 4 janvier 1893, à 10 F d’aÂmenÂÂÂde pour avoir voyagé sans billet sur un chemin de fer d’intérêt local, mais c’est bien innocemment…
On ne sait quand, est instituée par les compagnies une conférence des permis, où, entre elles, on harmonisera sans doute les faveurs consenties à telle catégorie de voyageurs, où l’on discutera des accords de réciprocité.
De manière fondée, le principe sera remis en cause par le député de
Versailles Gauthier (de Clagny) et plusieurs collègues déposant le 15 janvier 1894 une proposition de réÂsoÂlution invitant les questeurs de la Chambre à contracter un abonnement moins onéreux ne permettant plus à chaque député que la circulation dans son département et entre Paris et son département.
Une comparaison internationale
À ce titre, il est bon de comparer entre différents pays le montant de l’éventuelle indemnité reçue par les parlementaires et autres avantages en nature (voir tableau p. 40). En 1910, on peut distinguer quatre catégories :
– en Grande-Bretagne, nulle indemnité ou facilité de transport ;
– en Espagne, Portugal et Italie, si les parlementaires ne reçoivent pas d’indemnité, du moins ils voyagent à prix réduit (Espagne) ou gratuitement, ce qui se comprend bien ;
– dans de nombreux pays, l’indemnité est journalière, tributaire de la durée des sessions, assortie en général d’un seul voyage gratuit ; réduite à 6 F au Monténégro, elle se situe entre 12,50 F (Bavière) et 26,65 F (Russie).
– enfin, l’indemnité est annuelle dans d’autres pays, variant de 1 650 F en Suède jusqu’à 25 000 F aux États-Unis, assortie souvent de parcours gratuits.