Lors de l’Exposition universelle de 1867, une animation intéressant les amateurs de voies étroites fut mise en place d’une manière durable sous Paris. Cette offre touristique perdura plus de cent ans suite à une demande incessante : une véritable visite des égouts… dans lesquels, pendant une cinquantaine d’années, circula un petit train pour l’agrément des voyageurs intraterrestres.
Dans le numéro précédent d’Historail, nous vous avions raconté, ce qui fut une révélation pour la majorité d’entre vous, excepté ceux qui s’intéressent aux carrières souterraines que vous soyez cataphiles pratiquants ou non d’ailleurs, que lors de l’Exposition internationale de 1900 avait été créée une présentation temporaire dans les sous-sols du Trocadéro : un véritable train minier. Intéressons-nous aujourd’hui à une réalisation similaire, mais davantage pérenne, qui fut instituée lors de l’Exposition universelle, celle de 1867, la seconde à se tenir à Paris.
Si l’on en croit Victor Hugo dans son roman Les Misérables paru en 1862 la visite des intestins de Léviathan avait mal commencé, bien que sous des auspices impériaux. « “Sire, dit le ministre de l’intérieur à Napoléon, j’ai vu hier l’homme le plus intrépide de votre empire. – Qu’est-ce que cet homme ? dit brusquement l’empereur, et qu’est-ce qu’il a fait ? – Il veut faire une chose, sire. – Laquelle ? – Visiter les égouts de Paris.” Cet homme existait et se nommait Bruneseau. La visite eut lieu. Ce fut une campagne redoutable ; une bataille nocturne contre la peste et l’asphyxie. Ce fut en même temps un voyage de découvertes. » Aujourd’hui, en dehors des travaux exécutés par les égoutiers dans cette ombre de la ville-lumière, les seuls autres humains qui hantent parfois encore les égouts, ce sont les visiteurs de la partie ouverte au public au pont de l’Alma. Et pourtant, cette visite n’offre plus l’incroyable dépaysement d’antan ! Mais c’est bien Victor Hugo, par son indéniable succès de librairie tant en France qu’à l’étranger, qui contribua dès lors indéniablement à susciter l’intérêt du public – dont de très nombreux anglophones – pour ce réseau souterrain, curiosité qui ne se dément toujours pas de nos jours. Néanmoins vingt ans auparavant, Émile de La Bédollière, dans son étude sur les industriels, exhortait déjà les étrangers qui venaient visiter Paris : « [Vous] qui venez visiter la capitale de la France, nous vous invitons à prendre sur vous de parcourir ces sombres routes. »
Le Paris souterrain des égouts et des Catacombes
Le principe d’élimination des eaux usées via une voirie souterraine est vieux comme le monde romain. Pourtant, à Paris il faudra attendre 1370 et Charles V pour qu’une première rigole à ciel ouvert rue Montmartre soit voûtée, pour rejoindre le ruisseau de Ménilmontant, à l’insistance d’Hugues Aubriot, le prévôt des marchands, autrement dit l’édilité publique. Auparavant, vers 1200, Philippe Auguste avait déjà fait paver les rues de Paris en faisant ménager en leur milieu un simple canal d’évacuation. Le réseau va alors se développer très progressivement au fil des siècles, mais il va falloir attendre 1850, avec l’arrivée du Baron Haussmann, préfet de la Seine, et de l’ingénieur Eugène Belgrand, pour que se développe un réseau moderne d’égouts, permettant à la fois l’approvisionnement en eau de chacun des immeubles parisiens et l’élimination des eaux usées et des eaux pluviales, en ce réseau dit unitaire, caractéristique de Paris. Il fallut à cette époque également anticiper l’annexion des communes suburbaines officialisée le 1er janvier 1860, de manière à ce que le réseau en cours de développement ne se trouve pas du jour au lendemain sous-dimensionné. Les égouts, qui atteignaient 600 km en 1878, en font aujourd’hui plus de 2 450 km, avec près de 36 000 « plaques d’égouts », en moyenne une tous les 50 mètres. Dans les égouts, en plus des eaux usées et du double réseau de distribution d’eau (potable, qualifié parfois d’eau de source, et non potable), circule d’autres fluides : la téléphonie, anciennement le télégraphe, autrefois aussi les pneumatiques ou l’air comprimé, mais pas l’électricité (pour d’évidentes raisons d’incompatibilité avec l’humidité), ni le gaz (qui est distribué dans des tuyauteries enterrées et non en galeries, afin de limiter les accidents en cas de fuite), plus de nos jours occasionnellement la climatisation. Et autrefois, il était également possible d’y voir circuler d’autres individus, en plus du personnel affecté à ce service : des hommes politiques…