D’ici une décennie, les agglomérations de Malmö, Helsingborg et Lund, du côté suédois du détroit de l’Öresund, devraient être passées au tramway. Si les deux premières font partie de la douzaine de villes suédoises à avoir eu un tram par le passé, ce serait une première pour la ville universitaire de Lund. Ces trois villes se situent dans l’ouest de la Scanie (en suédois, SkÃ¥ne), la région la plus méridionale de Suède, re-formée en 1997 par la fusion de ses deux anciens départements. Cette région compte au total 1,2 million d’habitants, soit une densité de population de 106 habitants/km2 contre 22 dans le reste de la Suède. La partie ouest de la Scanie est la troisième région urbaine de Suède et forme la moitié est de la région de l’Öresund, la moitié ouest étant formée par Copenhague et ses environs, au Danemark. Globalement, la Scanie est en pleine expansion, de même que les déplacements domicile – travail sur son territoire, avec une augmentation plus rapide des voyages effectués en transports publics qu’en voiture individuelle. Au cours des dix années qui ont suivi l’ouverture du lien fixe de l’Öresund avec Copenhague, en l’an 2000, la fréquentation des trains régionaux a doublé. Ces dernières années, l’augmentation annuelle a été de l’ordre de 15 %. La fréquentation des bus augmente également, mais pas au même rythme. Dans son rapport TÃ¥gstrategi 2037 (stratégie ferroviaire 2037), l’autorité organisatrice régionale SkÃ¥netrafiken estime que la fréquentation des trains devrait augmenter de 6 % par an jusqu’en 2037, soit un passage de 33 millions de voyageurs en 2007 à 180 millions par an en 2037. A cette date, 30 des 33 communes de Scanie devraient être desservies par le rail, en train régional (PÃ¥gatÃ¥g)… ou en tramway. Depuis plusieurs années en effet, cinq projets de tram ont été identifiés dans la région : des lignes urbaines à Malmö, Helsingborg et Lund, ainsi que les liaisons périurbaines Helsingborg – Höganäs et Lund – Dalby. Et à l’automne 2008, une évaluation socio-économique des tramways envisagés dans les trois villes a montré que le bénéfice de ces projets était deux fois plus important que le coût d’investissement. Dans quel cadre organiser la création de ces lignes de tramway, qui formeront les premiers « nouveaux » réseaux de Suède ? En effet, la situation est assez inédite dans le pays, où l’établissement de lignes de tram s’est résumé ces dernières décennies à des prolongements sur les réseaux anciens de Göteborg et Norrköping ou à l’ajout de deux lignes à Stockholm. Il a été proposé que chaque commune ou association de communes desservies par tramway soit propriétaire et gestionnaire de l’infrastructure, y compris les voies, les dépôts et l’alimentation électrique. Chaque commune devrait supporter les investissements en la matière, avec des subventions de l’Etat pouvant atteindre une fourchette de 50 à 75 %, le pourcentage étant plus élevé pour les lignes périurbaines que pour les lignes urbaines. La région serait quant à elle autorité organisatrice des transports, avec la responsabilité de l’exploitation et de l’achat des véhicules nécessaires, comme c’est déjà le cas pour les trains régionaux PÃ¥gatÃ¥g. La région couvrirait également les coûts d’exploitation et de maintenance des véhicules. A condition que les tramways soient introduits sur les lignes qui ont vraiment besoin de grande capacité, les coûts d’exploitation (véhicules compris, mais sans la maintenance des infrastructures) ne devraient pas être plus élevés qu’avec une exploitation par autobus. Du moins en considérant qu’un tramway remplace deux autobus, même si le tramway implique un coût d’investissement élevé.
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Lund : un tram pour la ville de demain
Venons-en à Lund, ville lauréate de notre Grand prix européen de la mobilité. Parmi ses efforts de longue date, figure la ligne de bus à haut niveau de service Lundalänken (littéralement « le lien de Lund »), qui relie depuis 2003 le centre-ville à Brunnshög, en périphérie, et à la localité voisine de Dalby. A Lund, qui compte sur son territoire quelque 110 000 habitants dont environ 85 000 en centre-ville, la question d’un transport léger sur rail s’est posée à la fin des années 1980, même si sa population semblait un peu trop petite pour établir un nouveau tramway. « Nous ne construisons pas pour la ville de Lund d’aujourd’hui, mais pour celle de demain, qui comprendra entre autres de nouveaux quartiers dans le nord-est », répond Christian Rydén, chef de la planification des transports de la ville, ajoutant que les projections indiquent 140 000 habitants en 2025. De plus, 30 000 personnes viennent y travailler chaque jour et 20 000 de ses habitants ont un emploi ailleurs. Parmi les grands employeurs à Lund, on trouve par exemple l’université de Lund, l’Ecole supérieure des techniques de Lund (LTH) ou encore l’hôpital universitaire de Scanie.
Dans le nord-est de Lund (Lund NE), s’ajouteront d’ici quelques années le centre de recherche ESS (European Spallation Source) et le synchrotron MAX IV. L’ensemble forme un projet majeur de développement urbain concernant 50 000 personnes, employés ou habitants, à 3 km du centre-ville. Ces centres de recherche attireront probablement d’autres nouvelles entreprises, augmentant ainsi le nombre de voyageurs quotidiens.
Ce nouveau secteur présentera une densité comparable à celle du centre-ville et il est impensable que l’automobile y soit le moyen de transport de base. « Des rues à deux fois quatre voies, ce n’est pas tellement attractif », trouve Christian Rydén. Mais alors, quels moyens de transport y offrir, qui soient à la fois rapides, pratiques et respectueux de l’environnement ? Christian Rydén estime que le transport public doit être la solution pour les trajets plus longs, tandis que pour les plus courts, le vélo et la marche sont préférables. Un tiers des voyages devraient être effectués en voiture au grand maximum et au moins un tiers par les transports publics. Le nouveau tramway devra structurer l’offre en transports publics, complétée par des bus. Car aujourd’hui, un autobus bondé quitte la gare centrale de Lund toutes les 2-3 minutes pour l’hôpital et la LTH. La fréquentation de la ligne de BHNS Lundalänken, qui a ouvert en 2003, a doublé au cours des cinq premières années et se chiffre actuellement à quelque 6 000 voyageurs par jour. Et les développements prévus le long de cette ligne nécessitent le passage à une plus grande capacité de transport, cette fois sur rail. Il est prévu que l’arrivée du tramway à Lund se fera en trois étapes. La première (5 km) part de la gare centrale de Lund et continue vers l’hôpital universitaire de Scanie, traverse la LTH et le parc scientifique Ideon, avant de rejoindre Lund NE/Brunnshög et les futurs centres de recherche MAX IV et ESS. La deuxième étape sera une ligne de Brunnshög en direction sud-est, vers Dalby, à 16 km du centre de Lund. A la gare rouverte de Dalby, sera établie une correspondance avec la ligne de chemin de fer vers Simrishamn, dont la reconstruction est prévue. Enfin, la troisième étape porte sur l’établissement d’une ligne de tramway entre la gare centrale de Lund et Staffanstorp, direction plein sud, après traversée du centre-ville, où les rues sont parfois très étroites. Pour la première étape, sept ou huit tramways de 30 m de long suffiront. Mais au bout de la troisième étape, quelque 25 trams seront nécessaires. La construction des premières étapes devrait se faire dans de bonnes conditions, vu qu’elles reprennent en grande partie le tracé du BHNS Lundalänken, dont le profil, les rayons de courbure et le gabarit ont été étudiés pour en permettre la conversion en ligne de tram. La ligne sera principalement construite sur des terrains municipaux. L’Académie et la région de Scanie sont les deux principaux propriétaires le long du tracé. L’avant-projet détaillé de la première étape du tramway a été lancé en septembre dernier et doit être prêt pour 2012. « Aucune décision de financement n’a encore été prise, mais nous supposons que ceci sera réglé avant l’été 2012 », explique Christian Rydén. Les phases suivantes seront les appels d’offres et le lancement de la construction en automne 2013, ce qui permettrait de mettre en service le tramway fin 2015. « Ces délais sont courts, mais nous travaillons avec ce calendrier, ce qui permet aussi de garder un rythme élevé », constate Christian Rydén. La distribution des rôles n’est encore pas tout à fait figée, mais l’idée directrice est que la ville de Lund traite les appels d’offres concernant les installations fixes liées au tram et en soit ensuite responsable. Le coût de ces installations pour les cinq premiers kilomètres a été estimé à 640 millions de couronnes (70 millions d’euros) sur le milliard de couronnes (110 millions d’euros) que devraient coûter les deux premières étapes (la deuxième étape reprenant le tracé de Lundalänken, qui a déjà coûté 180 millions de couronnes, soit 20 millions d’euros). Quant aux tramways, ils seront acquis par la région de Scanie, qui sera ensuite responsable du matériel roulant. Le responsable du dépôt (30 000 m2) n’a pas encore été défini, mais pourrait être le futur exploitant pour le compte de l’autorité organisatrice, à l’image des trains régionaux. Rendez-vous dans quatre ans !
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Thomas Johansson et Patrick Laval
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SPIS, un organisme régional pour le tram
En janvier 2012 démarrera l’activité de l’organisme SPIS (SpÃ¥rvagnar i SkÃ¥ne, « Tramways en Scanie »”), dont les 9 salariés coordonneront les projets de tram dans la région. Le projet européen Elena participe au financement de SPIS, qui est basé à Lund.