Par 30 voix sur 36 présents, la Commission Transports du Parlement européen a adopté le 4 mai, en deuxième lecture, le règlement sur les corridors de fret. Les eurodéputés ne baissent pas la garde face aux Etats membres qui souhaitent réduire la portée de ce texte. Ils ont maintenu ses avancées les plus importantes comme la création d’un guichet unique pour chaque corridor, la création d’une catégorie de fret prioritaire, ou encore celle d’un comité de gestion indépendant chargé de prendre les décisions opérationnelles, auquel sera associé un comité associatif qui regroupera les opérateurs. Les députés ont aussi réintroduit la possibilité pour une entreprise non ferroviaire de demander directement un sillon, une disposition qui a déjà fait couler beaucoup d’encre.
Les réactions sont contrastées après ce vote. La Communauté européenne du rail prend position contre, regrettant notamment les guichets uniques. « La création d’une nouvelle structure revient à ajouter une couche administrative totalement inutile, regrette son directeur Johannes Ludewig. De surcroît, les députés rendent obligatoire l’utilisation de nouvelles technologies. Cela risque de coûter des millions d’euros aux chemins de fer, sans qu’ils en tirent un bénéfice réel. » La SNCF fait entendre une voix discordante, puisque son représentant à Bruxelles préfère saluer « la ténacité de ceux qui font de ce règlement la première étape significative d’une approche enfin européenne des infrastructures ferroviaires. » Au cours du débat, le représentant de la Commission européenne a lui aussi souligné l’importance du guichet unique pour les futurs clients des sillons internationaux. « Actuellement, nous avons des guichets uniques nationaux, mais ils ne sont utilisés que très rarement par les entreprises parce qu’ils ne sont pas toujours très transparents ou non discriminatoires, a expliqué Enrico Grillo-Pasquarelli. Il faut un guichet unique contrôlé par les régulateurs pour garantir une concurrence juste dans les corridors. »
Les députés européens ont également renoncé à l’amendement qu’ils avaient introduit en première lecture, qui supprimait la priorité du fret pendant les heures de pointe. Néanmoins, le texte prévoit que la réserve de capacité pour le fret international doit « respecter » les autres types de transports, dont le transport de passagers, ce qui laisse une liberté d’interprétation aux gestionnaires d’infrastructure.
La Commission Tran demande à ce que le texte entre en vigueur rapidement, dans les deux ans suivant son adoption, même si les députés restent lucides sur les répercussions de son application. « Nous avons pu progresser plus que prévu, se réjouit le coordinateur social-démocrate Saïd El Khadraoui. C’est un petit pas en avant, mais ce n’est pas grâce à cette unique mesure que le fret ferroviaire deviendra superefficace. » Le président de la Commission Transports, le Britannique Brian Simpson estime, lui, qu’il faut agir maintenant « parce que sinon il n’y aura plus de fret ferroviaire dans 20 ans ». Prochaine échéance, le 1er juin pour l’adoption en plénière. D’ici là, les lignes peuvent encore bouger, d’autant que les négociations vont se poursuivre avec le Conseil des ministres des Transports, qui campe lui aussi sur ses positions.
Isabelle ORY